Astre L. Tsukimi
Partie I – Le Rêveur et le Syndrome de Kleine-Levin
Le Syndrome de Kleine-Levin est une maladie extrêmement rare, touchant environ une personne sur un million. Ainsi, il y a très peu de chance d’en être atteint. Elle se caractérise par une malformation spécifique du cerveau, précisément du système nerveux, provoquant un sommeil de plus en plus important au fil des années. Cette maladie n’est pas facilement détectable, et on ne la découvre généralement chez les patients que vers le début de l’adolescence. Astre fait partie de ce faible pourcentage d’enfants nés avec cette malformation dont il n’a jamais voulue. Mais dans ce monde, chaque personne a une part de chance et de malchance. Certains sont plus chanceux que d’autres, et inversement. Tandis qu’il y en qui sont à un niveau égal entre les deux. C’est comme ça. Chacun apprend à vivre dans les conditions avec lesquelles il est né. C’est à soi-même de se frayer un chemin et de dresser son propre destin.
Au courant de cette malformation nerveuse depuis la naissance de leur enfant, les parents d’Astre se montrèrent très protecteurs envers celui-ci. À l’école, il avait l’interdiction de sortir dans la cour de récré, de participer aux travaux pratiques ou aux cours de sport. À la maison, il avait l’interdiction de sortir dehors pour s’amuser avec ses amis. Il passait sa vie… enfermé entre quatre murs. Parce que ses parents craignaient qu’il lui arrive un accident et qu’ils le perdent à jamais. Il était leur fils unique, après tout. Mais le garder dans ces conditions était-il vraiment une bonne idée, alors que ses pensées noires se développaient un peu plus chaque jour ?
Dépression ? Tôt ou tard, cette situation le tuerait. Il se tuerait.
Bien sûr, il va sans dire que le garçon avait profité d’être à l’école pour supplier plus d’une fois à ses amis de venir le chercher chez lui, après les devoirs, pour jouer. Il était toujours gentil avec tout le monde, ses amis ne se voyaient pas refuser sa demande. Alors ils tentèrent, et plus d’une fois. En vain. Ses parents, nettement moins agréables, les avaient complètement envoyés balader. Ses amis finirent par baisser les bras. Le résultat était toujours le même. Cela désespéra juste davantage le garçon, plongé dans sa solitude éternelle.
Solitude ? Il voulait sortir, se libérer, s’amuser, affronter sa maladie, mais il ne pouvait pas. On le gardait reclus chez lui.
Constamment privé de sortie, l’enfant passait sa vie chez lui, errant entre le salon et sa chambre. Son temps libre se résumait à dormir. Au début, il ne rêvait que d’un monde banal entouré par un brouillard impossible à disperser. Dans ce monde brumeux, il avançait au hasard jusqu’à son réveil. À son réveil, il écrivait ce qu’il avait vu et vécu dans son Rêve. Ça avait le mérite de l’occuper un peu, car ses journées – aussi courtes soient-elles –, il les trouvait longues à force d’être enfermé. Il se souvenait avec facilité de tout ce qu’il vivait dans ce monde inconscient. Sentiments et actions. Et plus il arpentait ce monde ‘sans sens’, plus il découvrait des choses à son sujet. Ainsi, son ‘Monde Imaginaire’ prit vie, se colorant et se modélisant. Le brouillard se levait doucement pour laisser place à des décors parfois irréalistes. Il comprit très vite qu’il restait conscient dans ses Rêves, et même, qu’il pouvait y réaliser l’impossible. Parce qu’un Rêve n’agit pas sur la Réalité.
Et quand il ne dormait pas, Astre observait les autres s’amuser à l’extérieur. Ce ‘Monde Réel’ dont il n’avait jamais pu sentir l’air frais. Il était coincé, enchaîné à vivre à l’intérieur d’une pièce. Pourquoi ne pouvait-il pas être comme tout le monde ? Il se le demandait beaucoup trop souvent. Personne n’entendait ses suppliques mentales de le libérer de cette prison infernale. Il en avait plus qu’assez de cette vie, si on pouvait même appeler ça ‘une vie’. Pour lui, il avait plus l’air d’être le prisonnier de ses parents, même s’il savait combien ça les rassurait de voir qu’il ne lui arrivait aucun malheur.
‘S’il vous plaît, sauvez-moi…’ Un appel au secours silencieux que personne ne percevait, ou n’essayait plus d’entendre. Ils l’avaient déjà abandonné à son sort, et peut-être que c’était mieux ainsi. Enfermé chez lui, il ne causerait aucun ennui à qui que ce soit, et n’inquiéterait pas ses parents. Jusqu’à ce qu’
il se pointe.
Partie II – Le Rêveur et l’Occultiste
Ça arriva de manière totalement imprévue. Mais le ténébreux grava cet évènement dans sa mémoire. Un jeune garçon aux cheveux bruns et aux yeux d’un pur bleu azur, arborant un drôle de pansement sur le nez et une simple veste noire juste posée sur ses épaules lui donnant un air cool de Superhéros, débarqua à l’école. Astre ne l’avait jamais vu auparavant. Bon, en même temps, ce n’était pas comme s’il avait énormément visité les environs jusqu’à présent. Donc, ça expliquait probablement qu’il ne le connaisse pas. Le nouveau s’appelait Lun. Lun Rosenwald. Il aurait pu aller lui parler, se faire un nouvel ami, d’autant plus que celui-ci semblait être évité par la plupart de sa classe, à son inverse. Pourtant, il n’a pas été le voir. Difficile quand on dort plus de la moitié du temps.
Alors, ce fut le nouveau qui vint à lui. Ils commencèrent à discuter, bien que ce soit Lun qui ait plus le monopole de la conversation qu’Astre. Et aussi, eh bien, entre deux endormissements de la part du malade. Il apprit beaucoup de choses sur l’autre garçon. En une semaine, ils savaient tout l’un de l’autre. Le jeune endormi était pendu à chacun des mots du brun, avec un émerveillement constant. Il croyait à chacun de ses mots sur la passion de lui et sa famille pour l’occulte. Lui, dont les Rêves étaient sans cesse remplis de magie, se réveillait toujours dans un monde vide de tout ça. Et Lun lui démontrait que la magie existait bel et bien. Un sentiment de pure joie réchauffait son cœur.
Joie ? Une joie qui éteignait le feu noir et glacial qui alimentait son esprit.
Chaque jour, Lun était à ses côtés. Chaque jour, Lun le soutenait et l’aidait autant que possible. Jamais il ne se passait une journée sans que les deux soient ensemble. Astre était tout de même désolé que son ami soit autant rejeté par ses camarades de classe.
Désolé ? Une déception assez importante qui tiraillait son cœur pour une raison qui lui échappait. Il ne pouvait pas accepter ça. Il tenta donc de rapprocher Lun de ses autres amis, ce qui se solda par des échecs consécutifs. Ça piquait au sein de son cœur, même s’il était toujours incapable d’expliquer la raison. À la place, il essaya de compenser ce manque d’amis à lui tout seul, de devenir le meilleur ami du garçon brun. Il appréciait sa compagnie plus que celle de n’importe qui d’autre. Il voyait en son nouveau meilleur ami quelque chose d’indéchiffrable, mais précieux.
Et puis un jour, au milieu de son désespoir sans fin, une lueur d’espoir se dessina finalement.
Espoir ? C’était un mercredi après-midi, et il n’y avait pas école pour tous les enfants. Bien sûr, comme d’habitude, il était confiné chez lui. Portes et fenêtres verrouillées à double tour, et clés cachées. Un prisonnier dans sa cellule, les barreaux en moins. Depuis cette ‘cage’, il écoutait son meilleur ami tenter de convaincre pour la énième fois ses parents. Échec. Alors Lun fit mine de partir, et Astre le suivait du regard depuis la fenêtre. Les deux adultes retournèrent dans la cuisine, et après une dizaine de minutes, le brun revint, armé d’une batte de baseball et d’un sourire confiant.
Les larmes aux yeux, le ténébreux se leva et posa sa main contre la vitre. Il sentait sa liberté se rapprocher à chaque pas que Lun faisait. Ce dernier lui fit signe de ne pas faire de bruit et de s’écarter. Astre obéit sagement et s’éloigna de l’ouverture vitrée. Le brun souleva sa batte et la balança de toutes ses forces contre la fenêtre qui explosa en mille morceaux, attirant évidemment l’attention de ses parents qui se ruèrent dans le salon. Les mains par-dessus la tête pour se protéger des débris de verre, Lun l’attira sans prévenir à l’extérieur et se plaça devant lui, les bras tendus en guise de défense. Une lueur de défi brillant dans son regard, il toisa les parents du petit prisonnier derrière lui. Il leur commanda de le laisser sortir, ou sinon, il ne leur rendrait pas leur enfant.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, les parents du prisonnier paniquèrent face à un enfant tout juste âgé de neuf ans. Astre les observait depuis sa cachette, derrière Lun. Il lisait la panique sur leur visage. Son cœur se tordait d’inquiétude dans sa poitrine.
Inquiétude ? Il se retrouvait coincé entre ne pas vouloir les effrayer davantage, et sa future liberté. Ce fut son envie de liberté qui remporta sur sa crainte. Ses parents, toujours apeurés de perdre leur fils, cédèrent au bout d’une minute. Vaguement à l’abri, il pleura de joie en entendant ces mots. Il était tellement heureux. Lun lui avait sauvé la vie. C’était littéralement le plus beau jour de sa vie. Seulement, ses parents imposèrent une condition. Il ne le laissait sortir que si Lun, et uniquement lui, venait le chercher.
Suite à cet évènement, Astre continua de vivre de façon nettement plus joyeuse aux côtés de son meilleur ami. Il pouvait enfin voir le ‘Monde Réel’. Même s’il passait du temps avec ses amis à l’extérieur, il restait surtout avec une seule personne : Lun. Un sentiment chaleureux l’accompagnant toujours quand ils étaient tous les deux.
Chaleureux ? Ils se rendaient surtout dans des lieux calmes comme le parc, mais il arrivait qu’ils visitent au-delà. Lun avait tout l’air d’un savant aux yeux d’Astre. Il connaissait tout de San Francisco. En parallèle, au fur et à mesure de ses découvertes incroyables, les Rêves du garçon s’enrichissaient. Les paysages étaient plus fournis, plus précis, plus beaux. Le ‘Monde Imaginaire’ d’Astre se construisait par rapport à ce qu’il voyait du ‘Monde Réel’. Et il prenait soin de le noter dans son journal.
D’autre part, le garçon décida de se promettre quelque chose de vraiment très important, et qui comptait énormément pour lui. Tant qu’il sera avec Lun, il combattra sa maladie. Plus qu’il ne l’aura jamais fait auparavant. Il la combattra, la repoussera, la retardera du mieux qu’il pourra. Il ne la laissera pas gâcher son temps précieux avec le garçon aux cheveux bicolores. Oui… ils sont apparemment devenus blancs et noirs à cause d’une tentative d’invocation ratée. Toujours pour Astre. Mais ce fut grâce à cette volonté de rester éveillé qu’il eut l’impression de surmonter son Syndrome.
Volonté ? C’était la première qu’il avait l’impression de combattre sa maladie. Il n’avait jamais songé à le faire avant. Il s’était résigné, il avait accepté son sort. Cette ambition changeait, avait changé grâce à Lun.
Malheureusement, ça ne fonctionnait pas à tous les coups, Astre en avait conscience. Il s’endormait encore de nombreuses fois, même en étant avec son meilleur ami. Il détestait ces moments-là. Il s’en voulait tellement de l’embêter avec ça. Lun l’avait sauvé, et voilà comment il le remerciait : en s’endormant en plein milieu d’une journée à s’amuser tous les deux. Et pourtant, le bicolore ne le quittait pas, il comprenait et continuait de le soutenir. Il ne l’abandonnait jamais, vraiment jamais. C’était toujours lui qui ramenait Astre à la maison après qu’il se soit endormi. Et le ténébreux lui en était infiniment reconnaissant. Reconnaissant pour tout ce qu’il faisait. Reconnaissant pour toute son attention. Astre ne le niait et ne le niera jamais. Il lui devait vraiment beaucoup. Il ne pouvait imaginer son futur sans son meilleur ami.
Futur ? Il était terrifié à la simple idée que Lun le laisse tomber un jour, par ennui. Alors quand il avait du temps libre, où il n’était pas avec le bicolore, il cherchait une solution. Un médicament contre sa maladie. Mais la plupart de ses recherches se soldèrent par des échecs.
Par conséquent, sa maladie continua de progresser. Un soir, alors qu’Astre était en pleine promenade avec son meilleur ami, il s’endormit brusquement, sans prévenir, comme d’habitude. Le jeune bicolore fut forcé de le ramener chez lui en le portant sur son dos, et décida de passer la soirée chez Astre. Quand le dormeur quitta ses songes, il surprit l’autre assis à la petite table de sa chambre. Instantanément, il s’enquit de savoir ce que Lun faisait, et s’approcha lentement, à quatre pattes. Son meilleur ami tenait des allumettes, un morceau de charbon et une petite plaque de métal. Il était en train de graver un étrange symbole dans la plaque. Astre l’observait avec un air interrogatif, la tête penchée sur le côté, tandis que Lun terminait son dessin.
Interrogatif ? Lorsqu’il acheva son gribouillage, il le tendit fièrement vers le ténébreux. Si l’endormi devait décrire le symbole, alors il ressemblait à un cœur avec des sortes d’ailes devant.
Lun prit une des mains du garçon aux yeux rouges et y déposa la plaque. Il expliqua qu’il l’avait appelé ‘Love and Peace’, et qu’il était une preuve de leur amitié. Une preuve qu’il ne le laissera jamais tomber. Ses mots émouvaient le jeune garçon qui en eut les larmes aux yeux.
Ému ? Le bicolore passa son bras autour des épaules de l’autre et rigola. Astre était tellement heureux de ce cadeau. Ce cadeau, changé en pendentif, devint le porte-bonheur d’Astre, qu’il ne quittait jamais. Il représentait leur amitié. Une amitié qu’il ne voulait pas briser. Il ne voulait pas perdre Lun. C’était son meilleur ami à lui, et personne d’autre. Ainsi, ce soir-là, ils s’endormirent ensemble, blottis l’un contre l’autre. Ce n’était pas vraiment rare, ils faisaient souvent ça depuis qu’ils se connaissaient, dormir ensemble et tout. Astre n’y trouvait pas d’inconvénient. C’était rassurant d’avoir une présence à ses côtés.
Le temps passa, et les deux ne se séparèrent jamais. Du moins, pas jusqu’à la mystérieusement disparition de son meilleur ami, vers l’âge de douze ans. Astre ne recevait aucune nouvelle de lui. Il était terrifié à l’idée qu’il lui soit arrivé quelque chose.
Terrifié ? D’autant plus que ses parents profitèrent de cette disparition pour l’emprisonner à nouveau. Le petit garçon aux cheveux noirs était perdu. Perdu et paniqué. L’absence de Lun hantait son cœur. Ça se répercuta sur ses Rêves qui se changèrent en Cauchemars, même s’il avait le contrôle sur eux. Ne supportant plus d’être plongé dans le mystère, Astre prit la décision de s’enfuir. Il se revêtit différemment, afin de passer inaperçu, et s’échappa. Ce n’était pas tous les soirs, mais au moins certaines nuits pour essayer de retrouver son meilleur ami.
Durant cette période, malheureusement, il n’était pas rare qu’au milieu de l’une de ses fuites, il s’endorme d’une manière ou d’une autre. Et il n’était pas rare que des gens le trouvent, étalé contre le sulfate noir. Il avait de la chance de n’être jamais tombé sur quelqu’un de mauvais. Les personnes qui le trouvaient étaient toujours des gens biens. Ils le ramenaient chez eux et attendaient qu’il se réveille pour lui demander son nom, afin de pouvoir le reconduire chez ses parents. Mais Astre ne voulait pas rentrer. Il voulait retrouver son meilleur ami. De ce fait, il changea son nom pour ‘Lunastre’. La fusion de la personne qu’il cherchait désespérément, et son propre prénom.
Désespéré ?Ses recherches durèrent près de deux ans avant que Lun réapparaisse subitement dans sa vie devenue incolore. Astre lui sauta au cou, en larmes. Son meilleur ami lui avait tellement… tellement manqué.
Manqué ? Le bicolore ne comprenait pas. Il expliqua qu’il avait envoyé des lettres aussi régulièrement que possible, avec des photos, justement pour qu’il ne s’affole pas. Astre n’avait reçu aucune de ces lettres. Non. En réalité, il les avait reçues. Mais ses parents les avaient cachées. Lorsque Lun comprit ça… comment dire que mes parents d’Astre furent sévèrement réprimandés… toujours par un enfant de quatorze ans. C’était… vraiment particulier à assister.
Partie III – Le Rêveur et l’Académie Hope’s Peak
Environ un an s’était écoulé depuis le retour de Lun à San Francisco, et Astre passait à nouveau le maximum de son temps avec lui. Le jeune endormi avait bien compris que son meilleur ami était de plus en plus occupé par ses activités d’occultiste. Il savait que les propres recherches de l’autre garçon étaient pour lui, pour l’aider contre sa maladie. Il était impressionné par les hautes connaissances et compétences dans l’occulte qu’il avait.
Impressionné ? Et il était parfaitement conscient qu’il ne pourrait jamais l’égaler, peu importe le domaine. Tout ce qu’il pouvait faire était l’encourager de son mieux, à poursuivre sa passion, quand il était réveillé, tout du moins.
C’était pour cette raison qu’il n’était pas vraiment surpris lorsque Lun reçut une lettre d’admission à l’Académie Hope’s Peak en tant qu’Occultiste Ultime. Le ténébreux était fier pour son meilleur ami.
Fier ? Cependant, il remarqua assez vite la réticence de Lun d’y aller. Pour la simple et bonne raison qu’il refusait de le laisser seul encore une fois. Astre n’était pas d’accord. Même s’il adorerait garder Lun auprès de lui, rien qu’avec lui pour toujours, il ne voulait pas que son ami détruise son avenir pour lui. Donc il essaya de le convaincre de s’y rendre, de toutes ses forces. Encore et encore. Le bicolore finit par céder et quitta Astre pour la seconde fois, non sans un énorme câlin.
Aussi triste que cela puisse paraître, Astre ne put assister à son départ. La faute à son sommeil trop aléatoire qui l’en empêcha. À peine peu de temps après, la tristesse et solitude le regagnèrent peu à peu.
Tristesse ? Sachant, cette fois, parfaitement où se trouvait son ami, il n’avait pas de raison de le chercher et de s’inquiéter. Alors… il laissa le temps passer, couler sur lui comme si ce n’était rien. Il s’enferma lui-même dans sa chambre, emporté par ses mille et un Rêves. Son ‘Monde Imaginaire’, un endroit représentant sa ‘vraie’ liberté, un endroit ‘sans limite’. Tout ce qui est irréalisable dans le ‘Monde Réel’ devient possible dans son ‘Monde Imaginaire’, au point de pouvoir remonter le temps. Mais à chaque fois que son sommeil prenait fin, la dure réalité revenait l’engloutir.
À chaque fois qu’il se réveillait, il trouvait son journal et un stylo près de son oreiller. C’était lui qui les posait là par habitude. Son seul moyen véritable de communiquer, de transmettre ce qui se passait dans ses Rêves. Le seul qui avait été autorisé à le lire était Lun. Il ne l’avait confié à personne d’autre. Parce qu’il avait confiance qu’en Lun.
Confiance ? Dans ce journal, il notait tout. Mais vraiment tout. Du début à la fin de son Rêve. En détails. Tout ce qu’il voyait, tout ce qu’il ressentait, tout ce qu’il faisait. Rien n’était laissé de côté. Il démontrait, à travers chacun de ses Rêves, à quel point son ‘Monde Imaginaire’ était malléable. Il démontrait combien les Rêves étaient emplis de mystères, et combien il comprenait à force d’y vivre constamment.
Ce fut ainsi qu’un jour, alors qu’il était âgé de dix-sept ans, que l’adolescent endormi reçut à son tour une lettre de la prestigieuse Académie. Au milieu d’un doux Rêve, ses parents avaient débarqué complètement à l’improviste dans sa chambre et l’avaient secoué assez fort pour le réveiller. Totalement désorienté, il avait ouvert les yeux sous la puissance de son père. Sa mère lui tendait l’enveloppe contenant l’invitation. Il ne réagit pas, regardant simplement la lettre blanche. Alors sa mère l’ouvrit et la lui lit à voix haute. L’Académie Hope’s Peak acceptait de le recevoir en tant qu’Onirologue Ultime. Il n’en comprenait pas la raison. Il ne comprenait même pas le titre. Que voulait dire « onirologue », de toute façon ? Il était profondément perdu.
Perdu ? Et ses parents décidèrent de lui fournir les explications manquantes.
Ses parents lui révélèrent qu’ils venaient dans sa chambre à chaque fois qu’il dormait pour lui emprunter son journal. Avec l’espoir que leur fils unique soit remarqué par l’Académie des Ultimes pour que les plus grands médecins se penchent sur le Syndrome de Kleine-Levin, ils avaient créé un blog à son nom. Et sur ce blog, ils postaient chaque jour tout ce qu’Astre écrivait dans son journal. Depuis le tout début. Bien évidemment, ce blog était très peu connu, et n’attirait pratiquement aucun visiteur. Mais ses parents avaient continué jour après jour, plein d’espoir. Au fil des années, ça avait commencé à amener du monde sur le blog. De plus en plus de visiteurs passaient et s’abonnaient, faisant de plus en plus de suiveurs. Beaucoup de suiveurs le remerciaient de ses informations, et certains essayaient de devenir des rêveurs lucides comme lui. Du bouche à oreille, de vrais onirologues passèrent sur le blog et le félicitaient pour ses informations d’une grande aide.
Apparemment, un de ces onirologues avait désiré le rencontrer en personne, mais ses parents avaient dû refuser. À la place, il avait demandé s’il pouvait utiliser les informations du blog pour sa prochaine hypothèse à présenter au domaine des sciences et de l’étude des Rêves. Bien sûr, en précisant que toutes les sources provenant du garçon. Ses parents, voyant une potentielle chance que leur fils soit enfin remarqué, avaient accepté immédiatement. Astre écouta leur récit en silence, manquant à plusieurs reprises de s’endormir. Tout ce qu’il trouva à dire était qu’il n’avait pas gagné son titre honnêtement.
Honnête ? Néanmoins, au rappel que Lun étudiait dans cette Académie, il oublia son malaise et accepta de rejoindre Hope’s Peak.